(Je demande à l’aimable lecteur de bien vouloir m’excuser par avance devant la longueur déraisonnable de cet article mais je lui conseille tout de même de s’y attarder, si ce mode de chauffage principal ou d’appoint le concerne.)
Quoi de plus simple qu’un chauffage à bois serait-on tenté de penser ? En tout cas c’était une de nos intentions lors du choix de notre moyen de chauffage, faire simple, robuste, sans entretien (à part le ramonage évidemment), tout le contraire d’une machinerie complexe telle qu’une PAC Air/Eau (pompe à chaleur pour ceux qui ne suivent pas).
Mais plus je me renseigne, plus je découvre que se chauffer correctement et efficacement au bois n’est pas si évident que ça. Commençons par ce qu’il ne faut absolument pas faire avec son poêle ou sa cheminée:
- Brûler du bois humide ! Et son corolaire, acheter du bois humide (vendu pour sec?) et le brûler immédiatement. A ce sujet, je songe fortement à m’équiper d’un appareil dans ce genre. Avec ça, fini le doute sur la qualité de séchage du bois livré… En brûlant du bois humide, le foyer ne monte pas assez en température car une partie de la chaleur dégagée sert à finir de sécher le bois.
- Faire des feux continus qui couvent toute la nuit. Alors là tout faux ! J’ai passé tout l’hiver précédent à faire exactement ça, le poêle continue à émettre un peu de chaleur pendant la nuit mais au prix d’un encrassement supérieur de la vitre, du poêle et du conduit, un rendement mauvais et des émissions de particules et de gaz non brûlés. Il paraît que 70% de l’énergie stockée dans le bois l’est dans les gaz emmagasinés dans ses cellules. Brûler le bois à faible température c’est laisser s’échapper la plus grand partie de ces gaz et ne récupérer qu’un rendement de 40 à 50%. Brûler à haute température (de l’ordre de 600°C) avec l’arrivée d’air frais ouverte en grand, c’est profiter de la double combustion (ou post-combustion chez certains fabricants) et obtenir des rendements au dessus de 80%.
Alors que faut-il faire ?
- Stocker le bois à l’air et au vent, pas en contact avec le sol (sur des palettes par exemple), éviter de mettre une bâche dessus, elle ne fera que retenir la condensation. Prévoir un stock tampon dans le garage et idéalement un deuxième stock bien plus réduit à côté ou sous le poêle si ce dernier dispose d’un compartiment prévu à cet effet. Le bois stocké dans le stock tampon doit tourner autour des 20% d’humidité, celui stocké à côté du poêle peut atteindre les 16-17%.
- Faire des feux d’enfer ! Chauffer suffisamment les gaz pour que la double combustion s’enclenche et bénéficier ainsi du rendement maximum. Ensuite laisser le feu s’éteindre et bénéficier de l’inertie du poêle et ou de celle de la maison (je vais en avoir grâce au mur de refend en béton situé juste derrière le poêle). Ceci n’est évidemment valable que dans la mesure où la maison est suffisamment isolée et ne perd pas des calories à vitesse grand V. Au besoin refaire un deuxième feu plutôt que de réduire l’arrivée d’air pour que le premier dure plus longtemps.
- Profiter intelligemment des deux types d’apports dispensés par un poêle: le rayonnement et la convection. On trouve sur ce lien une bonne explication de ces deux phénomènes. Il faudra rayonner suffisamment dans la pièce principale pour qu’il y fasse bon et assez rapidement et générer assez de convection pour chauffer de l’air, qu’il faudra ensuite véhiculer dans la partie nuit via les bouches d’aération pratiquées au dessus des portes. Le mur de refend assurera également une partie du rayonnement dans les pièces mitoyennes.
Ce qui nous amène fort logiquement au choix du poêle. Commençons à dresser le cahier des charges de ce dernier avec par ordre d’importance:
- Une puissance adaptée aux déperditions thermiques du bâtiment minorées des apports internes et externes (on a vu que ça tournait autour des 5kW). Ne pas sur-dimensionner la puissance pour en garder sous la pédale, sinon gare à la surchauffe car il est entendu que pour avoir le meilleur rendement possible, il faudra le faire tourner à fond.
- Une entrée d’air extérieure et si possible une bonne étanchéité globale de l’appareil à l’air. Afin de le pas déstabiliser la VMC double flux et ne pas consommer de l’oxygène dans l’habitation, nous avons prévu une entrée d’air en 100mm sous le poêle. De plus en plus de poêle sont prévus pour l’utiliser, mais pas tous donc attention.
- Ajouter une dose d’inertie dans le poêle. Nous n’irons pas jusqu’au PDM (poêle de masse) et ses 1 à 2 tonnes mais quelques centaines de kilos de matériau accumulateur permettront de lisser la chaleur dégagée par le poêle lors des feux d’enfer prévus. Parmi les matériaux proposés le plus souvent on trouve la stéatite (aussi appelée pierre ollaire). Les plus efficaces et donc les plus accumulateurs, semblent être ceux dans lesquels ce matériau est directement en contact avec les fumées et donc monte plus en température.
- Une esthétique qui nous plaise. Le vieux Gaudin sur ses 4 pattes a vécu, place à du moderne à du contemporain. Sur ce plan les fabricants rivalisent d’audace, malheureusement au prix d’une facture des plus salées.
- Une taille de buche maximum la plus grande possible (idéalement 50cm). Là ça promet d’être coton car dans le rayon des poêles tournant autour des 5kW et un peu design, la taille des buches serait plutôt autour des 30cm et ça c’est pas évident à empiler de manière stable. Il y a un surcoût à se fournir en bois coupé dans ces longueurs mais je me dis que comme on risque d’avoir une consommation assez réduite, ce surcoût sera facilement absorbé.
Je termine par une idée à essayer pour l’allumage du bois dans le poêle ou la cheminée. Passez au top-down (pour les non anglicistes cela signifie de haut en bas). Le principe c’est qu’au lieu de s’évertuer à mettre un allume feu en premier suivi de petit bois, suivi de petites buches et en terminant par une ou deux grosses buches en espérant que tout ne se casse pas la figure et que suffisamment d’air alimente le feu naissant, on fait tout le contraire. On commence à empiler les grosses bûches, suivies des plus petites, pour terminer par le petit bois d’allumage et l’allume feu (pas de papier journal, c’est plein de cochonneries d’encres là dedans). Le fait de fendre les buches en deux voir en quatre améliore encore la combustion, mais quel boulot !
Et comme l’article finit par être un peu indigeste avec tout ce texte, quelques photos de poêles que nous avons repérés. Parmi les marques qui ont retenu mon attention on trouve Jotul, Austroflam, Altech ou encore Attika. Les deux modèles suivants proviennent du fabricant Attika (c’est Suisse
), ils comportent tous les deux une masse de pierre ollaire (100kg pour Opus à gauche et 350kg pour Geo à droite).
Et pour illustrer mon propos sur le pouvoir accumulateurs de ces poêles, deux diagrammes illustrant la lente descente en température de ces poêles au niveau de leur module d’accumulation (je prends quand même ces graphiques avec des pincettes car chacun sait qu’ils sont là pour faire vendre et nécessitent des conditions d’expérimentation hautement favorables comme un bois hyper sec, une maison extrêmement bien isolée, etc).
On voit bien que l’ajout de masse de pierre ollaire a un effet direct sur la durée pendant laquelle le poêle continuera à émettre de la chaleur. Évidemment tout ceci a un prix…